Nos sens nous trompent, disait Descartes au XVIIème siècle, faisant ainsi écho au mythe de la caverne de Platon. Un mythe aisément compréhensible pour la pensée : notre monde est une illusion et nous devons apprendre à ouvrir les yeux pour en découvrir l’intime essence. Ce n’était déjà pas simple, mais voilà que les choses se compliquent. Notre monde d’illusion ne suffit plus, il nous en faut désormais plusieurs. Multivers, mondes parallèles, futurs possibles, ce qui fut d’abord science pré ou néoplatonicienne, puis affaire d’imagination et de littérature devient aujourd’hui l’objet des recherches scientifiques modernes les plus sérieuses. Se pourraient ils que les multivers soient une réalité ? Évoluons-nous simultanément dans d’autres mondes ? Voici une série de « peut être » à la sauce vague(s) qui, une fois encore, ne nous conduira probablement qu’à nous-mêmes.
La science
La question n’est donc pas nouvelle. Anaximandre (- 610 546) et Épicure (342-270) par exemple émettaient déjà l’hypothèse d’une pluralité de mondes puisque « les atomes étant en nombre infinis, et constituant des mondes, ceux-ci ne peuvent que l’être également » ; « Il y a un nombre infini de mondes semblables au nôtre et un nombre infini de mondes différents. Il n’y a donc rien qui empêche l’existence d’une infinité de mondes ».
De nos jours, la science se passionne pour cette notion de multivers qui pourrait peut être aider à mieux comprendre notre univers. Une théorie séduisante, mais non vérifiable. La piste la plus sérieuse découle d’une autre théorie : celle du Big Bang. Cette explosion initiale aurait pu créer plusieurs autres univers en même temps que le nôtre. C’est ainsi que Stephen Hawking suppose qu’ils auraient laissé des traces dans notre univers sous forme de radiations, et par conséquent mesurables. Des satellites spécialisés cartographient le fond diffus cosmologique, fait de micro ondes. En attendant des instruments de mesure plus précis, certains cosmologistes pensent que les zones plus lumineuses de l’univers pourraient être le fruit de chocs inter univers.
« Il y a un nombre infini de mondes semblables au nôtre
et un nombre infini de mondes différents.
Il n’y a donc rien qui empêche l’existence
d’une infinité de mondes »
ÉPICURE
La science évoque aussi des mondes côte à côte, des bulles d’univers situées aux confins du nôtre, ou empilés tels des poupées russes, comme c’est le cas des particules physiques décrites par la mécanique quantique.
Certaines de ces théories, expérimentées dans le grand collisionneur de hadron, ou accélérateur de particule de Genève donnent cependant d’étranges résultats : résultats bizarres ou faussés, et pannes successives.
Les chercheurs pointent désormais le futur comme modificateur des expériences menées, une hypothèse qui s’avère de plus en plus acceptable par la communauté scientifique.
La mécanique quantique, science moderne de l’atome et du minuscule, et qui semble la mieux à même d’expliquer le fonctionnement de notre univers, a mis en évidence le fait qu’une particule pouvait, sous certaines conditions, occuper deux lieux, voire davantage, simultanément. Et puisque nous sommes composés de milliards de particules, photons, électrons, et ceterons, qui peuvent se trouver en plusieurs lieux simultanément, nous aussi, nous pourrions être un peu partout.
Rien ne s’oppose donc à l’idée que ces mondes hypothétiques soient habités, et parce que l’humain ne peut rien imaginer sans lui même, ces mondes sont des répliques du nôtre et habités par d’autres nous-mêmes et par personne d’autre ! Nous serions alors ici et là simultanément. A la fois dans “Le Maître du Haut Château” de Philip K. Dick où Hitler a gagné la guerre, et dans celui où il l’a perdue ; nous sommes aussi tous les livres dans la bibliothèque de Babel de Jorge Luis Borges mais aussi l’unique Aleph, ce point de l’espace où se trouvent tous les points. Vertigineux !
Le double comme solution au présent
Mais d’autres chercheurs, non scientifiques, refusent de donner leur langue au chat théorique de Shrodinger et tiennent pour acquis une telle possibilité en faisant intervenir la notion de dédoublement du temps, fruit de la relativité d’Einstein.
Par des chemins bien mystérieux, Philippe Guillemant, nous propose d’aller rencontrer notre double pour lui demander conseil dans le futur, temps devenu parallèle pour les besoins de la cause. Selon lui, notre destinée est réalisée sous la forme d’une ligne temporelle, non figée et capable d’être modifiée par une autre ligne qui lui est parallèle dans le présent. C’est la qualité de nos pensées et de notre conscience qui peut l’influencer et nous permettre de choisir notre futur.
La valse à trois temps de Garnier-Malet
Pour Jean-Pierre Garnier-Malet, physicien en mécanique des fluides, présent et futur coexistent car le temps se dédouble. Ce dédoublement permet par exemple de calculer la vitesse de la lumière. Nous vivons en deux temps à la fois. Ainsi mon moi présent peut invoquer mon double futur, qui lui-même peut se dédoubler signant ainsi l’apparition d’un troisième observateur. Ces doubles ont donc tout le temps de trouver les réponses aux questions du moi présent qui vit dans un temps très court. Et pour ajuster les futurs en fonction de nos choix, il est important de se connaître et de penser par soi même pour cultiver le discernement.
Ainsi, après avoir découvert que le seul temps qui vaille est le présent, nous voici incités à aller dans le futur alors que nous avons déjà fort à faire avec le seul que nous connaissons un peu. Schizophrénie ? « Vaine curiosité ? Futiles demandes » ? dirait La Bruyère dans ses Caractères : peut-être bien !
Dans l’immédiat, même sans certitude, même avec beaucoup de peut-être, il n’y a pas bien loin à aller pour trouver des mondes parallèles : notre société en est truffée. Quartiers où chacun vit retranché selon sa propre composante “culturelle”, univers ou milieux réservés, autres “nous” qui nous demeurent incompréhensibles, indésirables. Alors, si nous rencontrions nos doubles, ne serions-nous pas méfiants ? N’entrerions-nous pas en guerre avec eux ? Et saurions-nous les aimer ?
Pour ajuster les futurs en fonction de nos choix, il est important
de se connaître et de penser par soi même pour cultiver le discernement.
Tout en marchant avec notre société, acceptant ou non ses valeurs et sa direction, nous sommes déjà ici et là. Nous nous mouvons sans cesse dans nos propres univers intérieurs, les fameux jardins secrets. Si nous ne savons pas les situer dans un espace précis, c’est pourtant bien dans l’espace qu’ils s’inscrivent. Assis sur une chaise, nous pouvons nous projeter dans des lieux déjà visités, ou totalement imaginaires, grâce à notre fabuleuse capacité de créer des mondes. Nous pouvons évoquer les quelque quatre cent mille galaxies qui composent notre environnement. Et il se peut que toutes nos pensées, toutes nos actions se situent dans les champs où nous les déroulons sans contrainte aucune, constituant ainsi les mondes parallèles, ces mondes Akashiques, ces livres de vie où temps, époques et espaces sont réunis et constituent notre patrimoine.
Alors d’autres nous, d’autres temps, d’autres mondes ? Pourquoi faire ? Celui-ci est déjà infini.
Extrait d'une conférence de Romuald Leterrier : "Se souvenir du futur grâce aux synchronicités"
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